Group show | Bayo Álvaro, Arda Asena, Guillaume Aubry, Andrés Barón, Clément Bataille, Claude Eigan, Tom Hallet, Vir Andres Hera, Derek Jarman, Youri Johnson, Mar Pérez, Leïla Vilmouth
Exposition
15.05.2025 — 21.06.2025
A QUEER GARDEN
Vernissage
15.05.2025 — 17h
DS Galerie est heureuse et fière de présenter le group show “A QUEER GARDEN” qui rassemble les artistes Bayo Álvaro, Arda Asena, Guillaume Aubry, Andrés Barón, Clément Bataille, Claude Eigan, Tom Hallet, Vir Andres Hera, Derek Jarman, Youri Johnson, Mar Pérez et Leïla Vilmouth.
Le jardin est un espace dialectique où se confrontent des logiques antagoniques : la maîtrise et l’abandon, l’ordre et l’aléatoire, l’histoire et l’éphémère. Ce qui est en jeu ici, c’est la possibilité d’un espace en perpétuelle reconfiguration, où se joue l’inscription matérielle et symbolique de formes de vie marginales. Le jardin est un territoire de résistance en ce qu’il refuse toute fixation définitive ; il offre aux identités queer un terrain où se déploient des subjectivités mouvantes, où se fabrique un lexique en perpétuelle réinvention. Lieu de formes mouvantes, de création incontrôlées parfois, volontairement laissé libre souvent, à Prospect Cottage notamment. Celui-là était une ode à la couleur, à l’effusion, et c’est aussi ce que ce “queer garden” peut être. L’arrivée d’une flamboyance de l’espace jardiné qui tente de déjouer les tentatives de dresser les buissons. La fantaisie de ce jardin est une inspiration à tracer des jardins sans allées, des couleurs qui ne se confondent pas, mais jaillissent sans contraintes et expriment envies, désirs, folies.
Dans Les Métamorphoses d’Ovide, la transformation de Daphné en laurier constitue un moment-clé où le corps devient une topologie de fuite, un point d’inflexion dans la dynamique du pouvoir. La métamorphose est une stratégie de survivance : elle détourne la domination en la transmutant en autre chose, en une présence qui excède les cadres de représentation habituels. À l’instar de Daphné, les artistes ici convoqué·e·s font du jardin un espace d’émancipation où l’identité cesse d’être un état fixe pour devenir un flux, une modulation, une coexistence entre le vivant et le politique.
Au sein de l’exposition “A QUEER GARDEN”, vidéos, installations, performances, peintures et sculptures ne se contentent pas de représenter le jardin, mais en prolongent les logiques : elles cultivent l’ambiguïté, déjouent les binarismes, et s’ancrent dans une matérialité qui interroge les modes de production et de perception du monde. En ce sens, elles prolongent la pensée de Monique Wittig, qui écrivait que “les lesbiennes ne sont pas des femmes” : une phrase qui, loin d’être une simple provocation, dessine une faille dans les catégories du genre, et propose une échappée hors du système hétéropatriarcal. Les artistes de cette exposition traduisent cette idée dans le langage du vivant : ils et elles conçoivent le jardin non comme une représentation figée, mais comme une scène où se rejouent et se détournent les assignations identitaires.
En écho à cette plasticité, la pensée de Virginia Woolf traverse également l’exposition : Orlando, par son jeu avec les identités et les temporalités, constitue un modèle narratif où la fluidité devient une forme d’écriture et d’existence. Cette fluidité est ici interprétée comme une structure spatiale : le “jardin queer” n’est pas un cadre clos, mais une cartographie mouvante où se reconfigurent les manières d’être et de coexister. Certaines œuvres y inscrivent des gestes performatifs, d’autres en font un palimpseste où se réécrivent des histoires oubliées. Les strates du passé cohabitent avec les germinations futures, le temps ne suit pas une ligne droite mais s’étend en ramifications imprévisibles. Derek Jarman, dans son jardin de Prospect Cottage, a précisément construit une poétique de la résilience : face à l’effacement social imposé par la maladie, il oppose une micro-utopie où chaque plante devient un manifeste. Son jardin est un espace où le politique et l’intime se confondent, un modèle de résistance où s’inventent de nouvelles formes de vie queer. Ce geste trouve une résonance dans les pratiques contemporaines qui s’attachent à penser l’écologie comme un mode d’existence et non comme un simple cadre thématique. En invoquant la pensée de Donna Haraway et son concept de “sympoïèse” – cette idée que l’existence n’est jamais solitaire mais toujours en co-construction avec d’autres formes de vie – l’exposition se déploie comme un écosystème où l’humain n’est plus au centre mais devient un élément parmi d’autres.
Le “jardin queer” n’est pas qu’un lieu de refuge mais un laboratoire où s’inventent des futurs possibles. Ainsi, “A QUEER GARDEN” n’est pas une simple exposition sur le jardin, mais une enquête sur le jardin comme structure conceptuelle et politique. Wittgenstein écrivait que “les limites de mon langage signifient les limites de mon monde” : ici, le jardin devient une syntaxe, un lieu où s’élaborent de nouveaux récits.
Texte par | Ulysse Feuvrier